Il était une fois, dans la commune de Djougou surtout dans les villages lointains, un étrange virus venu d’ailleurs. Non, pas un virus à fièvre ni à toux mais bien plus tenace : la machine à sous. Un beau jour, ces boîtes lumineuses aux sons enjôleurs ont débarqué dans les buvettes, les maquis et même, osons le dire, à deux pas des lieux de culte. Elles ont d’abord clignoté timidement, comme pour saluer. Puis elles ont rugi. Et les villageois, curieux comme des coqs devant un miroir, sont venus voir. Au début, c’était un jeu.
"Juste 100 francs, on ne sait jamais", disait l’oncle Dembo , ex-agriculteur devenu stratège en jackpots. Du retour du marché, il mettait la pièce, appuyait sur le bouton comme on tire sur un espoir, et fixait l’écran avec la concentration d’un chirurgien. Les pastèques défilent, les cloches sonnent, les bananes s’alignent presque. Mais rien. Deuxième pièce : encore rien. Trois heures plus tard, Dembo était toujours là. Sauf que les poches, elles étaient aussi vides que la jarre d'eau après une réunion de buveurs. Il avait tout mis : les sous du maïs vendus, ceux de l'arachide, même la pièce de 100 francs qu'il gardait pour son retour. Son regard était flou, sa bouche sèche.
Mais d'où vient cette passion soudaine pour ces boîtes à lumière qui engloutissent les économies comme un trou noir ? La naïveté. Beaucoup croient encore qu'il est si facile de devenir riche. Oui, la précocité matérialiste qui démange aujourd'hui la jeunesse, où on veut tout avoir tout de suite et maintenant. Mais bien avant, il faut pointer du doigt l'absence de réglementation sérieuse ni contrôle local. Si tu as une rallonge électrique et deux chaises en plastique, tu peux ouvrir ton casino rural.
Par conséquent, quand la machine tourne, les vies déraillent. Oui, l'argent qui devrait nourrir la famille, payer les fournitures du petit écolier ou réparer la toiture file tout droit dans la gueule de la bête à rouleaux. L'école désertée : Pourquoi suivre un cours de mathématiques quand on peut multiplier par dix avec une seule pièce ?
Et maintenant ? Que faire ?
Non ! tout n'est pas perdu, encore faut-il appuyer sur le bon bouton, et pas celui de la machine. Que les autorités locales arrêtent de faire semblant de ne rien voir. Donc, il faut une interdiction sérieuse. Il faut une sensibilisation communautaire, pour que les populations comprennent que jouer n'est pas synonyme de gagner.
Il est peut-être temps de rappeler que le vrai jackpot, c'est une bonne saison agricole, un enfant qui réussit à l'école, ou un village qui prospère sans dépendre du hasard. Car, dans cette histoire, la machine gagne, toujours sauf si le village décide, enfin de tirer la prise.
A jeudi prochain sur solidarité FM